Brandon Vega : "Devenir champion du monde du contre-la-montre"
En rêvant d'effort solitaire et de classiques, Brandon Vega détonne dans le peloton colombien. Futuro, Porvenir et Juventud, le Bogotano de 19 ans a franchi tous les paliers dans son pays. Après une demi-saison en Italie, il courra cette année pour la ProTeam Drone Hopper - Androni Giocattoli, et ce, dès le Tour de Táchira. À
la découverte d'un coureur aussi polyvalent que prometteur.
Brandon, comment as-tu débuté le cyclisme ?
J'ai commencé le cyclisme dès l'âge de neuf ans grâce à mon oncle, qui était lui-même cycliste amateur mais qui n'a pas eu sa chance chez les professionnels, en raison d'un manque de soutien et de ressources économiques. Mon oncle m'a soutenu en m'offrant un vélo et en m'inscrivant dans un club d'enfants. Mon premier vélo était un BMX rouge. À partir de là, les voyages pour disputer des compétitions nationales sur route se sont enchaînés et j'ai connu mes premiers succès en cadets et juniors.
Comment est né le club Ciclismo Capital ?
Avec Daniel Domínguez, un grand ami que la vie m'a offert, nous avons eu l'idée de bâtir la fondation Ciclismo Capital. L'idée est venue de Daniel. Il regrettait que le cyclisme ne fût pas soutenu comme c'est le cas aujourd'hui en Colombie. Il s'est donc employé à chercher des entreprises privées pour appuyer financièrement l'équipe. J'ai participé à la Vuelta al Futuro (Tour de Colombie Cadets, ndlr) et à la Classique Esteban Chaves au sein de ce club pour les cadets. Malheureusement, faute de sponsors le projet s'est arrêté au bout de deux ans.
Quel type de coureur es-tu ?
Je suis un coureur très complet. Je mesure 1m78 pour 64kg, 63kg quand je suis très affuté. Je me débrouille très bien en moyenne montagne dans des ascensions de sept-huit kilomètres et je peux aller jusque quinze kilomètres de montée. Je suis également très bon sur le plat et en contre-la-montre, qui est l'un de mes points forts.
Mon point faible je dirais que c'est la haute montagne, car avant ce type d'étapes je me demande toujours comment seront mes sensations et combien de temps je perdrai. Je pense bien-sûr que je peux progresser à ce niveau, mais ce n'est pas ma priorité car je risquerais de perdre en puissance sur le plat et en contre-la-montre.
Sur quelles courses penses-tu t'illustrer à l'avenir ?
Je pense que je serai à l'aise sur les courses d'une semaine ainsi que sur les classiques vallonnées et aux parcours casse-pattes. J'ai apprécié mon expérience sur le « sterrato » (chemins blancs des Strade Bianche, ndlr), lors de la Adriatica Ionica Race, où les vélos tremblaient, les coureurs criaient et ne voyaient rien, donc j'aimerais également me tester sur les pavés belges.
Travailles-tu spécifiquement le contre-la-montre ?
Je souhaite travailler pleinement le contre-la-montre sur le nouveau vélo que je vais recevoir, en particulier une bonne position aérodynamique car c'est ce qui permet d'économiser les quelques watts qui font la différence. Je n'ai encore jamais essayé de tunnels de vent en soufflerie mais c'est quelque chose qui me plairait en Italie.
Quelles épreuves disputes-tu sur piste ?
Sur piste, lors de championnats nationaux et départementaux, j'ai pratiqué la poursuite individuelle, la poursuite par équipes, l'omnium et la course aux points, que j'aime énormément et que je considère comme l'épreuve la plus exigeante.
Comment as-tu découvert l'Europe chez Bathco ?
Lors de ma première année Juniors, en 2019, j'ai rejoint l'équipe espagnole Bathco grâce à José Antonio Mantilla (le fondateur de l'équipe, ndlr). J'ai vécu trois mois et demi dans un appartement collectif à Corrales de Buelna (Cantabrie) avec mes coéquipiers Juan Ayuso, l'Irlandais Archie Ryan ou encore le Chilien Quintana Vidal.
En courses, j'ai obtenu de nombreux top 10 et top 5, ainsi que des maillots de meilleur jeune, comme lors du Trophée Victor Cabedo, remporté par Carlos Rodríguez. Ce dernier et Ayuso étaient déjà des phénomènes, c'était les deux meilleurs Juniors d'Espagne et d'Europe. À chaque course, ils se marquaient et ne se préoccupaient parfois pas des autres comme Raul García Pierna et Javier Serrano. Courir en Espagne m'a grandement aidé dans ma carrière.
Le Tour de Colombie Espoirs 2021 restera un grand moment pour toi ?
Cette année, la Vuelta de la Juventud (Tour de Colombie U23, ndlr) a été l'une de mes plus grandes courses jusqu'à ce jour. Je défendais les couleurs de la Ligue de Bogotá mais j'étais toujours un coureur de Colombia Tierra de Atletas, donc je contribuais au travail d'équipe. J'ai d'abord terminé troisième du contre-la-montre puis deuxième de l'étape, remportée par le sprinter Esteban Guerrero.
Ensuite, j'ai remporté l'étape finale. Ce jour-là, comme on savait que la montagne était la grande faiblesse d'Esteban Guerrero, on a décidé de monter à bloc la première ascension en début d'étape. Le peloton s'est morcelé et à l'arrivée j'ai réglé au sprint un groupe réduit à seulement vingt unités. C'est pourquoi, je ne dis pas que je suis un pur sprinter mais plutôt un coureur véloce dans les sprints et pour frotter.
Que retiens-tu du Baby Giro ?
Le Baby Giro a été une course très dure. On y allait avec deux leaders : Didier Merchán et Jesús David Peña. Moi, je vivais seulement ma première grande course U23 en Europe. Les trois premiers jours je me sentais très bien lors des étapes plates.
Lors de l'entrée en montagne on se sentait déjà un peu émoussé car Merchán, Peña mais aussi German Darío Gómez et Jeisson Casallas avaient dû lutter pour s'accrocher sur le plat et manquaient de force pour attaquer les ascensions. C'était notre faiblesse par rapport aux Européens, tout comme les descentes périlleuses sous la pluie. Au fil des jours on a progressé et après le Baby Giro nous sommes parvenus à nous adjuger une course par l'intermédiaire de Didier Merchán (le Giro del Medio Brenta, ndlr).
Jesús David Peña, Didier Merchán et Juan Carlos López rejoignent également de grandes équipes, quel est le secret de Colombia Tierra de Atletas ?
Je crois que c'est une équipe dans laquelle on apprend énormément. Il y a d'abord des coureurs expérimentés comme Darwin Atapuma, Miguel Ángel Rubiano et Óscar Quiroz, qui ont évolué en Europe. Mais aussi Luis Alfonso Cely, le directeur sportif, qui est une référence.
Je suis très heureux pour mes coéquipiers, en particulier pour Juan Carlos López, qui a très peu couru en raison d'une blessure au genou, et qui est talentueux comme son frère (Miguel Ángel López, ndlr). German Darío Gómez et Jeisson Casallas sont aussi de super athlètes, toujours disponibles pour l'équipe.
Comment as-tu rejoint Drone Hopper - Androni Giocattoli ?
Lors du Tour de Colombie Juniors en décembre 2020, j'ai été approché par Guiseppe Acquadro (agent d'Egan Bernal, Richard Carapaz et Nairo Quintana, ndlr), qui est devenu mon représentant, et l'opportunité de signer avec Drone Hopper - Androni Giocattoli est arrivée, car Gianni Savio (le manager de l'équipe, ndlr) était également intéressé en moi. Androni est l'une des meilleurs ProTeams au monde. C'est un bon endroit pour débuter chez les professionnels, donc j'ai signé pour deux saisons.
Comment s'est déroulé ton stage d'entraînement en Espagne durant lequel tu as été renversé par un automobiliste avec tes coéquipiers ?
Le premier jour du stage, on s'entraînait en direction de Valence et une femme en voiture nous dépassait dans une descente en courbe. On se l'est pris en pleine face. On est trois à avoir été renversé avec Juan Diego Alba et Martí Vigo, car on pédalait en tête de groupe. J'ai été le plus touché en atterrissant sur le parebrise du véhicule. Je me suis fait recoudre quelques points au cou ainsi qu'à la clavicule et à la jambe, mais heureusement je n'ai eu aucune fracture.
Après l'accident, je me suis arrêté trois jours. Puis, nous avons fait des tests médicaux de sang, d'hématocrite et d'hémoglobine. On nous a réglé nos vélos à notre taille : ce sont des Bottecchia avec dérailleur à deux vitesses Campagnolo. Après nous avons pris les photos d'équipe avec le nouveau maillot. Nous avons également réalisé des entraînements exigeants autour de Benidorm et j'ai fait la connaissance de nouveaux amis.
Depuis combien de temps connais-tu ton futur coéquipier Santiago Umba ?
Avec Santiago Umba, on se connait depuis la catégorie minime. On a toujours été en concurrence directe. Par exemple, j'ai gagné une étape du Tour de Colombie Cadets juste devant lui et on a disputé le Tour de Colombie Juniors l'un contre l'autre. Pour moi, c'est un honneur de faire partie d'une équipe professionnelle avec lui.
Connais-tu ton programme de courses ?
Je vais débuter lors du Tour de Táchira, en janvier. Ensuite, je disputerai les Championnats de Colombie sur route et du contre-la-montre, en février, puis je prendrai l'avion pour Istria (Slovénie, ndlr). Après je suis prévu au Tour de Turquie. Mon premier bloc de courses comprendra également deux autres courses.
Si je suis en bonne condition et que mon début de saison est satisfaisant, je serai peut-être au Tour de l'Avenir. En revanche, c'est trop tôt pour prendre part au Giro. J'ai encore beaucoup de choses à apprendre mais j'aimerais le parcourir quand j'aurais plus de kilomètres et d'expérience dans les jambes.
Quel est ton rêve ?
Mon rêve est de devenir un jour champion du monde du contre-la-montre, gagner un Monument ou remporter plusieurs étapes sur un Grand Tour. J'ai également en tête de participer aux trois Grands Tours.
PROPOS RECUEILLIS PAR AYMERIC PEZE