Cristian Rico : "Je suis arrivé détruit mais j'ai gardé le jaune"
Lors du dernier Tour de Colombie, Cristian Rico s'est fait connaître de ses compatriotes en étant leader du général, puis en remportant le classement des jeunes. Une ascension météorite pour un coureur âgé de 21 ans que l'on a déjà vu offensif sur le Tour de Sicile. Le grimpeur de Colombia Tierra de Atletas-GW-Shimano a été célébré comme il se doit dans son Boyacá natal avant de repartir plein d'ambitions pour l'Italie.
Comment as-tu débuté le cyclisme ?
Je ne suis pas né dans une famille de cyclistes. Je suivais
ce sport seulement dans les médias. Le vélo était d'abord mon moyen de
transport pour me rendre tous les jours à mon collège, situé à 3200 mètres
d'altitude. Pour étudier, je devais parcourir en VTT, 7 kilomètres à 10 % de
moyenne, depuis ma maison sur des routes de montagne en piteux état. Comme je
me débrouillais bien, on m'a conseillé de m'inscrire dans un club de Boyacá,
car les coureurs du département ont toujours été très bon.
C'est pourquoi j'ai commencé à courir pour le club Lanceros Paipa, dans ma ville natale. Je vis dans la même municipalité que Sebastián Molano que j'admire beaucoup et avec qui je m'entraîne régulièrement en groupe.
Dans quelles équipes as-tu grandi jusqu'à aujourd'hui ?
Plus tard, j'ai eu l'opportunité de rejoindre le club Boyacá Raza de Campeones afin de disputer un Tour de Colombie Cadets (Vuelta al Futuro, ndlr) que j'ai terminé en quatrième position, ce qui m'a alors ouvert les portes de l'équipe Ingenería de Vías à Arcabuco, près d'où vis Nairo Quintana.
Au sein de cette structure alors dirigée par Pedro Camargo et Jair Bernal, je me suis rendu pour la première fois en Europe, en 2019. Physiquement, je n'étais pas à 100% à ce moment-là quand nous avons disputé le Tour du Portugal Junior et des manches de Coupe d'Espagne, ce que nous réalisé durant mes deux saisons chez les Juniors. Cependant j'ai beaucoup appris. J'ai également partagé d'excellents moments avec Santiago Umba, Elkin Malaver et Steven Bayona notamment.
Ensuite, j'ai pu rejoindre Talentos Colombia, l'équipe
réserve de ma formation actuelle Colombia Tierra de Atletas-GW-Shimano, sans
oublier Bicicletas Strongman.
Quel type de coureur es-tu ?
J'ai toujours senti que je grimpais bien. Je mesure 1 m 71 et pèse 59 kg : l'archétype du grimpeur (rires, ndlr). Évoluer en Europe m'a permis de progresser sur le plat. Je me suis également beaucoup focalisé sur mon point faible, les descentes, ainsi que sur le contre-la-montre, que je travaille deux fois par semaine sur un vélo adapté.
Quelle est une journée type dans ta vie de cycliste ?
Je me lève à six heures. Après avoir déjeuné du pain, des œufs et du riz, accompagnés d'un bon café, ce qui ne manque jamais en Colombie (rires, ndlr), je sors m'entraîner. Je dois d'abord réaliser cinq kilomètres sur des sentiers granuleux pour rejoindre une vraie route, étant donné que je vis dans un milieu très rural. Quand notre entraîneur Armando Cardenas, qui nous envoie notre programme d'entraînement chaque semaine, me demande de réaliser du fond, mes sorties durent 5-6 heures. Il m'arrive aussi de faire de la préparation physique même si ce travail est plus fréquent lors de la pré-saison, en hiver.
Au-delà du physique, travaillez-vous également la partie mentale ?
Au sein de notre équipe, l'accent est également mis sur la partie mentale. Nous pouvons compter sur une psychologue qui nous oriente, car la vie de coureur cycliste n'est pas toujours facile entre les courses d'une grande dureté et le temps passé loin de la maison.
Nous apprenons des langues étrangères : l'italien et l'anglais. C'est important pour nous de pouvoir nous faire comprendre dans le peloton mais aussi dans la vie de tous les jours quand nous sommes en Italie.
Personnellement, je considère que je fais partie de la meilleure équipe colombienne, sans vouloir retirer du prestige aux structures rivales. Actuellement, c'est la seule formation qui permet à des coureurs aussi jeunes de connaitre autant le cyclisme européen, dont nous rêvions enfants.
Comment s'est déroulé ton premier bloc de compétitions européen, de mars à avril ?
En Croatie, nous avons d'abord été surpris par le froid (rires, ndlr). Puis en Italie, nous avons disputé la Semaine Coppi et Bartali, avec des formations World Tour, et le Tour de Sicile, où nous sommes clairement montés en puissance avec Edgar Pinzón, qui s'est classé dans le top 10 du classement général, en présence de grandes équipes [...]
Lors de l'étape où je me suis échappé, Luis Alfonso Cely (directeur sportif, ndlr) m'avait dit d'attaquer afin de faire travailler au maximum la sélection nationale et dans le pire des cas de favoriser mon coéquipier Edgar Andrés Pinzón, si j'étais repris. Finalement, il m'a manqué des forces dans le final mais Andrés a pris la dixième place [...]
C'était de la folie de courir au coté de Chris Froome ainsi que Vincenzo Nibali et Mathieu van der Poel, alors en préparation du Giro.
Porter durant trois jours le maillot jaune de ton tour national a changé ta vie ?
Le Tour de Colombie est la plus belle chose qui m'est arrivée dans ma carrière sportive. Je l'ai bien préparé en reconnaissant la plupart des étapes après le Tour du Sud (Vuelta al Sur, ndlr). Normalement, j'étais présent pour soutenir mes coéquipiers mais j'ai eu l'opportunité de prendre une échappée fleuve et nous avons réalisé le doublé avec Óscar Quiroz, lors de l'étape arrivant à Yarumal. J'ai ensuite endossé le maillot jaune, le jour suivant, en terminant au contact du peloton alors qu'Óscar Quiroz craquait.
Ta prise de leadership a-t-elle bousculé les plans de l'équipe ?
Mon Tour de Colombie a alors totalement changé. L'objectif de l'équipe est devenu de conserver le plus de temps possible le leadership sur mes épaules. J'ai pu savourer un peu pendant mes jours en jaune, même si j'ai été attaqué de toute part par mes adversaires et que, comme je suis très jeune, les gens se demandaient quand j'allais finir par exploser.
L'équipe a fait plus que le possible pour tenter de me maintenir en jaune. Pour l'anecdote, dans l'Alto del Vino (40,8km à 5%, ndlr), mes coéquipiers sont restés à mes côtés pendant toute l'ascension. Rafael Pineda m'encourageait en me criant de le « faire pour ma famille », de ne pas « me rendre si facilement » et de « tout donner ». Cette source de motivation supplémentaire a été très importante pour moi. Avec de tels coéquipiers, je me devais de donner plus que ce que je pouvais et je suis arrivé détruit au sommet. Mais l'important était de garder une journée de plus le jaune (rires, ndlr).
Que peux-tu nous dire de l'accueil chaleureux que tu as reçu à ton retour à Paipa ?
C'était incroyable. Je ne m'y attendais pas. Je rentrais à la maison, fatigué, et on m'a informé que l'on avait besoin de moi à Paipa. Donc je suis descendu dans la rue et j'ai vu la surprise (rires, ndlr) : des gens très heureux qui m'attendaient pour célébrer mon Tour de Colombie.
Connais-tu tes prochaines courses ?
Nous allons disputer le Tour de Vénétie (Giro del Veneto, du 27/06 au 02/07, ndlr) et le Tour du Val d'Aoste - Mont Blanc (Giro della Valle d'Aosta - Mont Blanc, du 13 au 17/07, ndlr), deux courses montagneuses. Je pense que je suis toujours en grande forme après mon Tour de Colombie. Je devrais rester un mois sur le sol européen.
PROPOS RECUEILLIS PAR AYMERIC PEZE