Edgar Andrés Pinzón : "Hé le Colombien ! Que fais-tu ici ?"
Chahuté dans le peloton européen, Edgar Andrés Pinzón se fait pourtant sa place à force de persévérance. Huitième du Tour de Sicile et deuxième du GP Palio del Recioto, le Colombien de 20 ans espère confirmer sa forme actuelle lors de la Vuelta de la Juventud et du Baby Giro. À la découverte d'un 'Escarabajo' longiligne.
"Une forme ascendante"
Quelle échéance prépares-tu ?
Je prépare actuellement le Tour de Colombie Espoirs (Vuelta de la Juventud, ndlr). Nous sommes revenus d'Europe le 21 avril et nous nous sommes directement rassemblés avec l'équipe à 3100 mètres d'altitude, dans le département de Nariño, d'où s'élancera l'épreuve. L'objectif était de réacclimater notre respiration à pareille altitude après notre séjour européen.
Que s'est-il passé lors du Grand Prix Palio del Recioto que tu as terminé en deuxième position malgré une chute ?
Avec l'équipe nous pensions attaquer plus près de l'arrivée, mais comme je me sentais particulièrement bien j'ai décidé de sortir du peloton à quarante kilomètres du but. J'ai tenté ma chance de loin, cependant j'ai malheureusement chuté à dix bornes de l'arrivée. Romain Grégoire (Équipe continentale Groupama-FDJ, ndlr) m'a alors dépassé dans les dernières côtes. Il m'a manqué un peu de puissance dans le final pour lui résister sur des portions rectilignes, étant donné que je suis davantage un grimpeur.
Quel bilan tires-tu de ta première tournée européenne ?
Je suis vraiment content de mon entame de saison. Lors du Trophée Umag et de l'Istrian Spring Trophy, j'ai été régulier du début à la fin. Lors de la Semaine Coppi et Bartali, j'étais un peu malade. Enfin, j'avais d'excellentes jambes à l'occasion du Tour de Sicile et du Grand Prix Palio del Recioto, ce qui me motive à bien me préparer en vue des Tour d'Italie (Baby Giro, ndlr) et de Colombie (Vuelta de la Juventud, ndlr) Espoirs [...]
Je suis dans une forme ascendante. Je me sentais mieux chaque jour, l'équipe me laissant courir selon mes sensations.
"Confirmer notre réputation de grimpeurs"
Comment as-tu vécu ta huitième place au classement général du Tour de Sicile face à des coureurs de classe mondiale ?
C'était de la folie d'évoluer au côté de Vincenzo Nibali, Domenico Pozzovivo et Damiano Caruso, qui sont des coureurs très expérimentés. Cela m'apporte beaucoup de motivation pour continuer à travailler dans l'optique de disputer davantage de compétition comme le Tour de Sicile [...]
À cinq kilomètres du sommet, j'ai décidé de gérer ma montée afin de maintenir un bon classement en haut de l'Etna. Je n'ai pas pris le risque d'exploser.
Le bilan collectif est également satisfaisant avec les échappées de Germán Darío Gómez, Rafael Pineda et Cristian Rico, tous protagonistes de la course ?
Nous sommes tous très heureux car cela récompense notre travail. Nous étions davantage là pour apprendre, on savait que c'était une course exigeante et que l'on ne pourrait pas forcément nous battre pour les plus hautes places. L'important était de gagner en expérience, de nous montrer à la télévision et de confirmer notre réputation de grimpeurs colombiens.
Sens-tu une nette progression par rapport à ta tournée italienne de 2021 ?
L'année dernière, j'étais incapable de terminer dans le top 20 des courses européennes. J'éprouvais des difficultés à me maintenir aux avant-postes avec l'équipe. Je sens donc une grande différence, cette année, grâce à l'expérience que j'ai acquise.
Découvrir les chemins blancs des Strade Bianche était une grande nouveauté pour moi, l'an dernier. Arriver recouvert de terre à l'arrivée et ressentir l'adrénaline au moment de rentrer sur les secteurs empierrés - la terre nous empêchait de voir loin devant (rires, ndlr) - a été une belle expérience.
"Un Baby Giro montagneux"
Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans ton adaptation au cyclisme européen ?
Ça a été difficile de nous adapter au cyclisme européen, principalement en ce qui concerne le placement dans le peloton. J'ai le sentiment que les Colombiens n'ont pas la côte dans le peloton, beaucoup semblent croire qu'on ne sait pas faire du vélo.
La différence est profonde actuellement entre le cyclisme colombien et européen. Cependant, peu à peu nous avons gagné notre place même si c'est toujours très dur. Parfois lorsqu'on était à l'avant lors du Tour de Sicile, on entendait des phrases comme « Hé le Colombien ! Que fais-tu ici ? », le niveau de stress était important.
Comment s'organisent les voyages européens de l'équipe Colombia Tierra de Atletas - GW - Shimano, cette organisation sera-t-elle reconduite lors du Baby Giro ?
Environ dix sportifs, deux masseurs, un physiothérapeute, un médecin et le directeur de l'équipe voyagent. Lors de notre première tournée européenne, nous logions à Gatteo a Mare, en Émilie Romagne, près de Cesenatico, la ville de Marco Pantani.
Lors du prochain Baby Giro, mes coéquipiers seront ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats cette année : Germán Darío Gómez (champion national Espoirs, ndlr), qui est un élément clé de notre équipe en raison de sa polyvalence, Jeisson Casallas, Andrés Mancipe et Brayan Molano, le dernier vainqueur du Tour de Colombie Juniors (Vuelta del Porvenir, ndlr).
Je pense que le caractère montagneux de ce Baby Giro peut nous convenir à merveille. La troisième étape comportera près de 5 000 mètres de dénivelé positif.
Comment es-tu arrivé au cyclisme et quelle trajectoire as-tu suivie ?
J'ai débuté le cyclisme à l'âge de treize ans au sein du club Labranza del Sol, dans mon village de Soatá, dans le département de Boyacá. Grâce à mes performances lors des compétitions inter-collégiales, j'ai intégré l'équipe de Nairo Quintana Boyacá es Para Vivirla où j'ai commencé à courir nationalement. Je me suis fait connaître à l'occasion du Tour de Colombie 2020, lors duquel j'étais dixième du classement général et meilleur débutant (maillot rose, ndlr), jusqu'à l'avant dernière étape où j'ai dû me retirer à cause d'un test positif à la Covid- 19.
"La meilleure équipe colombienne U23"
La montagne est ton point fort, à l'inverse quelles sont tes lacunes ?
Je souffre sur les portions plates, ce qui me pénalise ensuite dans les ascensions car j'y arrive en ayant déjà puisé dans mes réserves. Les contre-la-montre rectilignes sont également un axe sur lequel je travaille [...] Je mesure 1 mètre 80 et pèse 59 kg, j'aurai besoin de prendre un peu de masse musculaire pour devenir un coureur plus complet. Cependant, ma taille pourrait à l'avenir me permettre de développer davantage de puissance [...]
Nous pensons avec l'équipe mettre l'accent en fin de saison sur le travail en gymnase en consommant en complément alimentaire des protéines.
Quels souvenirs gardes-tu de ton année Juniors en Espagne chez Bathco ?
Je courrais chez les Juniors contre Carlos Rodríguez et Juan Ayuso. Lors de la Bizkaiko Itzulia au Pays basque, je me souviens avoir terminé quatrième du général derrière Carlos, le vainqueur, et Juan, alors mon coéquipier, troisième. C'est motivant pour moi de les voir dans des formations comme INEOS Grenadiers et UAE Team Emirates.
Quelles seront les équipes rivales lors du Tour de Colombie Espoirs (Vuelta de la Juventud, ndlr) ?
C'est gratifiant de faire partie de la meilleure équipe colombienne U23. La concurrence sera rude avec les formations EPM - Scott, Orgullo Paisa et Boyacá es Para Vivirla. Cependant, en Colombie, le talent ne manque pas et il faudra surveiller absolument tout le peloton.
Le parcours de cette édition est l'un des plus durs de l'histoire. L'épreuve se jouera jusqu'au dernier jour avec l'arrivée à Manizales. Comme nous sommes tous des grimpeurs dans l'équipe, le parcours correspond à nos caractéristiques.
PROPOS RECUEILLIS PAR AYMERIC PEZE