Edgar Cadena : "Penser à pour qui tu le fais"
"Chucky" explose cette saison à 21 ans. Le Mexicain vient d'être sacré champion national sur route et du contre-la-montre Espoirs, après avoir remporté l'étape reine du Tour de Colombie. Membre de Canel's ZeroUno, la structure de référence dans son pays, Edgar Cadena a réussi à dépasser le décès de sa compagne pour exprimer pleinement son potentiel. L'ancien triathlète a accompli sa promesse, il vise maintenant le World Tour, et pour cela il espère encore se montrer cette année en Équateur et au Chili.
"J'étais hyperactif"
Comment as-tu débuté le cyclisme ?
J'ai commencé le vélo autour de douze ans, après avoir eu pour premier sport la natation. Je l'ai d'abord pratiqué dans le cadre du triathlon. Puis, j'ai fait la transition vers le cyclisme à l'âge de seize ans. Je me suis mis au sport car j'étais un enfant hyperactif (rires, ndlr). Cela me permettait de dépenser mon énergie [...] Je chantais également une chanson du film Chucky aux entraînements de natation. Ce sont pour ces deux raisons que l'on me surnomme « Chucky » (rires, ndlr).
Au triathlon comme j'étais mauvais en natation, je quittais l'eau dans les dernières positions. Je remontais à chaque fois à l'avant lors de la partie à vélo. Ensuite, j'arrivais à maintenir ma position, ou pas (rires, ndlr), en course à pied. Les gens autour de moi me conseillaient de me mettre au cyclisme, ce que j'ai fini par faire [...]
Je n'ai pas totalement abandonné la natation et la course à pied. Je me sers toujours de ces deux sports lors de mes pré-saisons, cela fait partie de ma préparation.
La transition a-t-elle été difficile entre le triathlon et le cyclisme ?
Lors de mes toutes premières courses cyclistes, j'avais peur en présence d'autant de coureurs. Je ne savais pas encore rouler en peloton. C'est pour cela que j'essayais toujours de m'échapper (rires, ndlr), dans ces situations là on roule seul comme en triathlon. La transition a été loin d'être facile mais j'ai fini par m'adapter. Je sais maintenant manœuvrer dans un peloton. Cependant, j'apprécie toujours autant attaquer seul (rires, ndlr).
Quel type de coureur es-tu ?
Je suis un coureur tout-terrain. Mes points forts sont le contre-la-montre et la montagne. Je mesure 1 mètre 70 pour 61 kg.
Dans quel environnement vis-tu ?
Je suis originaire de Mexico, la capitale du Mexique. Je vis à 2200 mètres d'altitude. Mais j'ai l'habitude de m'éloigner du cœur de la ville pour atteindre des routes plus élevées, à 3600 mètres au-dessus du niveau de la mer. Dans une même journée, il peut faire froid le matin, chaud l'après-midi, pleuvoir la soirée et faire à nouveau froid la nuit. Le climat peut passer par les quatre saisons en un rien de temps [...]
Je vis chez ma grand-mère. Après le déjeuner, je sors m'entraîner. Je ne suis pas un lève-tôt (rires, ndlr). En général, je m'entraîne quand les courses européennes se terminent. Lorsque je rentre, j'essaye de récupérer au mieux, en mangeant des protéines et en suivant les conseils de notre nutritionniste. Quand j'ai le temps, j'essaye d'aider à la maison pour les tâches domestiques et j'aime également jouer aux jeux vidéo (rires, ndlr), surtout ceux de guerre comme Call of Duty.
Comment es-tu entouré dans la structure Canel's ZeroUno, l'une des meilleures d'Amérique latine ?
Chez Canel's ZeroUno, nous avons un entraîneur, Jésus Rivera de l'entreprise AquilesMD. Généralement, nous nous entraînons seuls ou avec des coéquipiers vivant dans la même zone. On retrouve l'équipe complète lors des rassemblements précédant les compétitions importantes [...]
Cette année, de nombreux jeunes, dont je fais partie, ont rejoint l'équipe. Les coureurs les plus expérimentés (Heiner Parra, Pablo Alarcon, ndlr) nous partagent leur expérience et prodiguent des conseils. Ce sont en quelque sorte les vieux loups de la meute. Ils nous remettent parfois sur le droit chemin.
"Sensibiliser les automobilistes"
Quelle est la place du cyclisme au Mexique ?
Au Mexique, il n'y a pas vraiment de culture cycliste. Le football est le sport premier, la boxe sans doute le deuxième, tandis que le cyclisme figure très bas dans la hiérarchie. Ici, notre sport prend seulement son essor, cela se fait petit à petit. Il est également difficile de sensibiliser les automobilistes. Par ailleurs pour pouvoir regarder le Tour de France à la télévision, les Mexicains doivent souscrire un abonnement.
Certaines entreprises privées sont, cependant, de plus en plus intéressées par la formation des jeunes. Des « Gran Fondos » (cyclosportives, ndlr), comme celui de Mexico, ainsi que l'Etape by le Tour, commencent aussi à être organisés.
La route a-t-elle un temps de retard sur le VTT et la piste ?
Je pense qu'au Mexique le VTT se met davantage en avant à la suite des résultats de Gerardo Ulloa et Daniela Campuzano, c'est également le cas du cyclisme sur piste avec Yareli et Jessica Salazar ainsi que Daniela Gaxiola. Cependant sur route, nous avons maintenant Eder Frayre, Ulises Castillo et les jeunes d'AR Monex, qui sont, eux, en Europe.
Comment se sont déroulées tes premières expériences européennes ?
J'ai disputé trois saisons en Europe. En 2018, lors de ma deuxième année chez les Juniors, j'évoluais dans le club Corbatas Pindal, en Espagne. Pendant un mois et demi, j'étais hébergé par la famille de l'un de mes coéquipiers. J'ai par exemple participé au Circuit Cantabre et au Tour de Valladolid. À la moitié de la saison, j'ai rejoint la formation mexicaine Jitensha Sport, alors en Espagne pour prendre part à plusieurs courses dont le Tour de Pampelune.
Ensuite, en 2019, j'ai disputé douze épreuves en trois mois chez les Espoirs, au sein de l'équipe Ciclismo Riojano. L'année suivante, j'aurais aimé retourner en terres ibériques mais la pandémie ne me l'a pas permis [...]
Enfin en 2021, j'évoluais au sein d'AR Monex (équipe continentale mexicaine, basée à San Marin, ndlr) et je participais à des courses continentales en Italie. S'habituer au niveau italien et à la façon de courir dans ce pays a pris du temps. Je me souviens avoir abandonné mes deux premières compétitions car je n'avais pas encore atteint le niveau suffisant. Ces expériences ont été difficiles mais elles portent leurs fruits cette saison.
Remporter la 7ème et plus difficile étape du Tour de Colombie au sommet de l'Alto del Vino restera un grand moment de ta carrière ?
Le Tour de Colombie est l'épreuve la plus longue à laquelle j'ai participé. Je me suis rendu compte que je suis un coureur de courses par étapes, plus les jours passaient mieux je me sentais. Grâce à Dieu, j'ai pu triompher lors de la septième étape. Ce jour-là quand j'ai vu que le maillot jaune (Cristian Rico, ndlr) n'a pas suivi l'attaque de mes coéquipiers Heiner Parra et Eduardo Corte, j'ai décidé de les accompagner. Au début, j'étais là afin de travailler pour eux mais en discutant avec Heiner j'ai compris que je pouvais jouer ma carte et j'ai finalement gagné. J'ai aussi terminé deuxième du classement de la montagne et de celui des jeunes.
Porter avec toi une photo de ta compagne (décédée à vélo après avoir été renversée par un automobiliste, ndlr), t'apportait une motivation supplémentaire ?
Obtenir cette victoire a été pour moi l'accomplissement d'une promesse. J'ai senti que j'avais peut-être fermé un chapitre de ma vie, même si je ne l'oublierai pas. C'était toujours une motivation. Je n'avais plus de forces lors de cette étape que j'ai remportée. Je me sentais accompagné, pas seul, sur mon vélo. Souvent penser à pour qui tu le fais t'apporte une énergie insoupçonnée.
Enfin, sur quelles épreuves te verra-t-on prochainement ?
L'équipe participera au Tour d'Équateur (07-15/10, ndlr), au Tour de Chiloé (07-11/09, ndlr) ainsi qu'au Grand Prix de Patagonie (13/09, ndlr) au Chili, et à des courses au Costa Rica. Elle m'informera où je serai inscrit.
PROPOS RECUEILLIS PAR AYMERIC PEZE