Einer Rubio : "J'ai trouvé une seconde famille"
Revu à 350 mètres de la ligne sur le Tour de Romandie, Einer Rubio a rebondi dès le lendemain lors du chrono en côte. Le Colombien de 24 ans fait preuve de persévérance depuis son arrivée chez Movistar, au début de la pandémie, en 2020. Son heure pourrait rapidement arriver, et ce dès le Tour de Hongrie dont il est l'un des favoris. À
la découverte d'un grimpeur tombé amoureux de l'Italie.
"J'étais à la limite"
Ton attaque à dix kilomètres du but lors de la cinquième étape du Tour de Romandie était-elle prévue au briefing, as-tu cru à la victoire jusqu'aux 350 derniers mètres ?
Malheureusement, il m'en a manqué un peu pour gagner. Mon attaque n'était pas planifiée, l'objectif initial étant de s'accrocher aux meilleurs. Cependant, comme je voyais des coureurs en difficulté j'ai vu une opportunité. J'ai demandé l'autorisation à l'équipe. Idéalement, j'aurais préféré attaquer plutôt dans les portions les plus raides mais j'avais un coéquipier encore à l'avant. C'est pourquoi, j'ai patienté pour ne pas ruiner ses chances.
J'étais confus. Le directeur sportif me disait à la radio que j'avais 10 secondes d'avance mais j'avais la sensation que le groupe des leaders étaient juste derrière et qu'il pouvait me reprendre à n'importe quel moment. Donc, je pensais que je pouvais gagner comme que je pouvais être rattrapé.
Depuis la voiture, ils m'encourageaient. Moi j'étais à la limite jusqu'à la ligne. Ile me criaient "allez, tu creuses l'écart !" quand j'avais jusqu'à dix-sept secondes d'avance.
Le contre-la-montre final t'a permis d'intégrer le top 10, apprécies-tu les chronos en montée ?
J'adore les contre-la-montre en montée. Il y en a très peu, quasiment aucune course ne propose ce type d'étape. Nous les grimpeurs nous travaillons beaucoup ces efforts à l'entraînement. Je craignais d'avoir trop dépensé la veille mais au final j'ai bien récupéré et j'ai réalisé un bon temps.
En Colombie, il y a davantage de contre-la-montre en montée ("cronoescaladas", ndlr) et moins de contre-la-montre tout plat qu'en Europe. Cette journée m'a en quelque sorte rappelé mon passé quand j'étais Juniors en Colombie, par exemple lors du Tour de Soacha.
"Deux années difficiles"
Ta chute lors des Strade Bianche a-t-elle grandement perturbé ton début de saison ?
Depuis que je fais partie du World Tour avec Movistar, tout n'a pas été facile. Ça a d'abord été les années de pandémie. Cette saison, je me sentais très bien à Majorque, puis j'ai contracté la Covid- 19 et j'ai dû arrêter les entraînements pendant une semaine à Valence. Quand c'est comme ça tu perds toute ta préparation et tu dois recommencer à zéro. Ensuite, je suis tombé à cause d'une forte rafale de vent lors des Strade Bianche. J'ai, donc, vécu un Tirreno-Adriatico difficile à cause de mon genou.
Lors de Tirreno-Adriatico, j'avais le genou pratiquement à nu, sans peau. Par conséquent, je devais bien me couvrir, ce qui entrave le coup de pédale et occasionne des nuits agitées.
Sens-tu malgré tout que tu continues de progresser de saison en saison ?
J'ai eu deux années difficiles mais désormais les choses semblent mieux se passer. J'ai acquis beaucoup d'expérience et je commence à appliquer ce que j'ai appris.
Comment te sens-tu chez Movistar ?
Dès le début, j'ai aimé Movistar car ça se voyait que c'était une structure accueillante et familiale, tant pour la langue que pour le caractère des Espagnols. L'équipe a régressé ces dernières années, toutefois elle est en train de revenir à son meilleur niveau.
Comment est la communication entre les Espagnols et les Colombiens ?
Entre Espagnols et Latino-Américains, nous avons la même langue. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé avec Miguel Ángel López, lors de la Vuelta, mais pour ma part je m'entends très bien avec la direction et mes coéquipiers.
"J'ai énormément de soutien"
Quand rentres-tu au pays, comment se déroulent tes pré-saisons ?
Maintenant, je passe beaucoup plus de temps en Italie. Cependant, j'ai l'habitude de retourner en Colombie dans le département de Boyacá, en fin de saison, pour passer du temps avec ma famille. L'hiver en Campanie, la région italienne dans laquelle je réside, n'est pas très rude, donc cela me permet d'y effectuer mes pré-saisons.
Comment t'es-tu intégré en Italie ?
Je suis resté dans la même zone depuis mes trois années Espoirs avec Vejus. Plus qu'une équipe, j'ai trouvé une seconde famille. J'ai énormément de soutien ici.
M'adapter à la langue a été difficile bien que l'espagnol et l'italien sont des langues assez proches. Cependant, tu n'es pas certain de bien comprendre ce que l'on veut te dire. La culture n'est également pas la même. La nourriture est différente. Toutefois, je me suis rapidement adapté [...] J'adore la pizza et les lasagnes (rires, ndlr).
Le calendrier Espoirs italien est-il le lieu idéal pour passer un cap ?
En Italie, il y a bien plus d'équipes et de compétitions qu'en Colombie. Quand j'étais Espoirs, je courrais quasiment tous les weekends, des courses d'un jour ou par étapes. C'est un bon endroit pour apprendre à être cycliste et voir si l'on peut passer professionnel.
Terminer deuxième du Baby Giro 2019 avec un podium 100% colombien t-a ouvert des portes ?
Le Baby Giro a été un tremplin pour rejoindre Movistar. Néanmoins, un an plus tôt, j'avais la possibilité de rejoindre Israel Cycling Academy, qui n'étais pas encore en World Tour. J'ai décidé de patienter et de gagner plus d'expérience pour intégrer l'équipe dans laquelle je souhaitais vraiment évoluer.
Ce Tour d'Italie U23 a été une magnifique expérience. J'ai appris à connaître Camilo Ardila et Juan Diego Alba. Nous étions dans le même camp, on représentait la Colombie.
"Enchaîner les courses d'une semaine"
Comment analyses-tu la différence entre les Tour d'Italie Espoirs et Élites ?
Il y a une grande différence. En Espoirs, ce ne sont que dix étapes mais je me souviens que ça paraissait déjà très long à l'époque. Quand tu disputes, ensuite, 21 étapes chez les professionnels avec des climats variables et un stress palpable c'est encore autre chose [...]
Connais-tu ton calendrier ?
Je ne connais pas encore avec certitude mon programme. Après le Tour de Hongrie, je serai soit au départ du Tour de Suisse soit du Critérium du Dauphiné.
J'aimerai participer à la Vuelta cette année. Si je suis en bonne condition les jours précédant le départ, j'ai des chances de la disputer.
Penses-tu que tu pourras viser à l'avenir les classements généraux des Grands Tours ?
Je pense que oui. Lors des Giro que j'ai disputés, j'ai vu que je pourrais être un coureur de Grands Tours, car mon corps récupère bien. Je me sentais mieux lors de la troisième semaine que lors des deux précédentes. En début de saison, nous avons décidé de ne pas participer au Giro cette année mais plutôt d'enchaîner les courses d'une semaine. Nous souhaitons y aller au fur à mesure et peut-être dans quelques années tenter un classement général.
Quel est ton message pour les jeunes souhaitant rejoindre les rangs professionnels ?
Ce n'est pas facile de devenir professionnel. Il existe beaucoup d'obstacles sur le chemin mais il faut les dépasser jour après jour. Pour y arriver, il faut adopter un style de vie différent des autres personnes et toujours être discipliné. Si quelqu'un souhaite vraiment réaliser ses rêves, il peut y arriver.
PROPOS RECUEILLIS PAR AYMERIC PEZE