Gabriel Rojas : "De nombreux talents vont éclore"
Andrey Amador a des héritiers au Costa Rica. Parmi eux, Gabriel Rojas, 22 ans, ne cesse de progresser depuis sa victoire lors des Jeux Panaméricains Juniors, à tel point qu'il mène actuellement le Tour du Portugal du Futur avec sa nouvelle équipe espagnole Essax. Le champion "tico" est ambitieux et lucide sur le développement du cyclisme dans son pays. À
la découverte de Gabriel Rojas.
"Je débute en Europe"
Comment se déroulent tes premières compétitions en Espagne ?
Cela fait plus d'un mois que je suis arrivé en Espagne grâce à mon représentant Diego Milán (ancien cycliste dominicain et membre de l'agence A&J All Sports dont fait partie Tadej Pogacar, ndlr). J'ai des meilleures jambes courses après courses. Je vis à Alicante et mes coéquipiers se situent dans la région. Parmi eux, il y a Kaden Hopkins (originaire des Bermudes, ndlr) avec qui j'ai déjà couru par le passé aux Etats-Unis lors de l'épreuve Green Mountain et lors de plusieurs Championnats et Jeux Panaméricains. Je m'entends très bien avec chacun de mes coéquipiers, notre entente est excellente en course.
Est-ce ta première expérience en Europe ?
C'est ma première saison en Espagne. L'an dernier j'avais signé avec le club Escribano (basé à Madrid, ndlr) mais je n'ai pas pu voyager à cause de la Covid- 19. C'est pourquoi je suis resté au Costa Rica au sein de l'équipe 7C avec laquelle j'ai pris part à toutes les compétitions auxquelles je pouvais participer (Tour de Chiriquí au Panama, Clásico RCN en Colombie etc., ndlr)
Quel type de coureur es-tu ?
Je grimpe bien. Je dirai que je suis un coureur endurant appréciant maintenir son propre rythme. Je ne suis pas le meilleur lorsque la course s'enflamme et que les attaques fusent. J'aime également le contre-la-montre que je vois comme un bon complément au type de coureur que je suis. Je mesure 1 mètre 71 et pèse 61 kg.
"On voit des cyclistes partout"
Où vis-tu et t'entraînes-tu ?
Je suis originaire d'Alajuela dans le canton central à Tuetal Norte. Je vis près du Volcan Poás à un peu plus de trente kilomètres de chez moi, que je considère comme une seconde maison et où j'adore m'entraîner. Quand je sors rouler je dis toujours « je vais au volcan » (rires, ndlr).
Parfois je m'entraine avec Andrey Amador, d'autre fois au Volcan Irazú à Cartago qui est un endroit idéal pour faire des sorties de fonds de quatre ou cinq heures avec du dénivelé. Le Costa Rica est un petit pays, cela nous permet de sillonner différentes routes.
Le climat d'Alajuela sec et chaud est l'un des meilleurs. Grâce à cela, on y voit énormément de groupes de cyclistes. Il m'est déjà arrivé de croiser plus de trois cents cyclistes lors d'une même sortie.
Quels souvenirs gardes-tu des exploits d'Andrey Amador sur le Giro ?
Je me souviens bien-sûr de l'étape où Andrey (Amador, ndlr) s'est emparé du maillot rose. Je ne savais pas quoi faire entre crier et pleurer de joie (rires, ndlr). Ce Giro était incroyable.
Comment Andrey Amador a-t-il contribué à faire évoluer le cyclisme au Costa Rica ?
Quand j'ai débuté, le cyclisme était un sport peu pratiqué, les gens faisaient du vélo seulement pour se déplacer. Après les exploits d'Andrey Amador, dès 2014, on a commencé à parler davantage du cyclisme au Costa Rica. Le vélo a connu une progression spectaculaire et maintenant on voit des cyclistes partout dans le pays.
"Ouvrir des portes à nos compatriotes"
Comment vois-tu l'avenir ?
Le cyclisme a atteint un excellent niveau au Costa Rica, je pense que c'est en partie en raison de la volonté des Costaricains de quitter le pays. Actuellement avec la technologie, le niveau augmente. Avant, les cyclistes s'entraînaient un peu comme bon leur semblait, au feeling, maintenant les chiffres sont très importants. On sait que si on veut atteindre un certain niveau, on doit être capable de produire tant de watts. Cela nous a encouragé à nous intéresser davantage à la façon dont s'entraîner, à mener des recherches sur Internet. Je pense que l'on se situe à un moment clé ou bientôt de nombreux cyclistes vont éclore comme c'est le cas en Colombie et au Costa Rica. Le cyclisme grandit tant en quantité qu'en qualité.
Le Grand Fondo Andrey Amador organisé en janvier symbolise-t-il cette évolution ?
Un Gran Fondo crée par Andrey Amador motive énormément, surtout avec des cyclistes d'une telle qualité (Alberto Contador et « Purito » Rodríguez étaient présents ndlr). Ça a été un bel évènement, des athlètes qui débutent ainsi que des jeunes qui ont déjà un certain niveau participent et voient que les champions les accompagnant ne viennent pas d'une autre planète, ça leur montre que c'est possible.
Sept Costaricains disputent cette saison la Coupe d'Espagne, les as-tu aperçus lors des premières manches ?
J'ai couru avec Julián (Madrigal, ndlr), Dylan (Jiménez, ndlr), Jason (Huertas, ndlr) et Sebastián (Calderón, ndlr) mais pas encore avec John (Jimenez, actuellement blessé au bras, ndlr). J'espère que nous pourrons tous participer ensemble à une même épreuve. C'est magnifique de voir qu'après une période sans aucun Costaricains en Espagne, nous sommes désormais aussi nombreux. Il y a également Harrison Solorzano en Italie. C'est ce qui va permettre d'ouvrir des portes à nos compatriotes.
"Je donne tout ou je meurs"
Comment as-tu vécu ta victoire lors des Jeux Panaméricains Juniors en décembre dernier ?
J'ai réussi à remporter la course devant des coureurs importants. Parfois quand on se rend en Colombie les gens disent que nous sommes de bons cyclistes mais que c'est un Colombien ou un Équatorien qui va triompher de toute façon. Mais cette fois j'ai réussi, j'ai longtemps rêvé de ces courses. En général, je performe toujours mieux lors des courses par étapes que lors des épreuves d'un jour mais c'était ma dernière compétition de l'année et je devais tout donner. J'étais extrêmement heureux, je n'échangerais cette victoire contre rien au monde (rires, ndlr).
Quelle était la stratégie face aux « grandes » nations que sont la Colombie et l’Équateur ?
Nous étions seulement deux qualifiés pour le Costa Rica, John « El León » (Jiménez, ndlr) et moi-même. De plus, nous avons voyagé sans directeur sportif car ce dernier avait décidé de ne pas poursuivre l'aventure avec la sélection nationale. Nous nous sommes réparti la stratégie qui consistait à faire partie des échappées, en plaçant l'un de nous deux dans chaque groupe, mais en en faisant le moins possible, et de pointer chacun plusieurs coureurs importants à suivre. J'étais dans le groupe de tête tandis que les sélections colombienne et équatorienne nous chassaient afin de permettre à leurs leaders Germán Darío Gómez et Martín López de revenir sur nous.
Mon groupe avait seulement dix secondes d'avance au pied de la dernière longue ascension. Je me suis dit « aujourd'hui c'est pour moi, je donne tout ou je meurs » (rires, ndlr). J'ai distancé mes compagnons mexicain et guatémaltèque à deux kilomètres de l'arrivée, puis j'ai creusé davantage l'écart pour m'imposer avec une trentaine seconde sur Germán Darío Gómez et Martín López.
Le parcours et le climat de Cali te convenaient particulièrement ?
Pour être honnête, je crois qu'ils ont dessiné le parcours pour moi (rires, ndlr). En Colombie, il y a des routes au-dessus des 4000 mètres d'altitude mais la course se déroulait à un peu plus de 1000 mètres d'altitude, comme là où je vis. C'était comme aller au volcan avec un climat semblable.
Les Championnats Panaméricains et Centraméricains sont-ils une tradition pour toi ?
J'ai toujours apprécié ce type de courses. J'ai gagné un Championnat d'Amérique Centrale en contre-la-montre. Lors des Championnats Panaméricains, j'ai toujours souhaité décrocher une médaille depuis mes premières participations mais je terminais toujours autour de la cinquième place, par exemple quatrième en République Dominicaine (2021, ndlr) et sixième en Bolivie (2017, ndlr). C'était surtout au niveau mental que je n'arrivais pas à me rapproche du podium.
Cette année, les Championnats Panaméricains auront lieu en Argentine, du 12 au 14 mai. Je connais les dates et j'adorerai y participer à nouveau mais comme je suis en Espagne je ne sais pas si cela sera possible en raison des coûts que cela représenterait pour la fédération.
"Je rêve d'être World Tour"
Quel regard portes-tu sur ta participation au Tour Colombia 2.1 en 2019 avec Aevolo ?
Le Tour de Colombie a été une course très difficile. C'était ma première saison chez les Espoirs, ma première course avec Aevolo (équipe continentale américaine, ndlr), donc je n'avais jamais connu un tel niveau d'adversité. Courir ce tour au côté de coureurs comme Chris Froome, Julian Alaphilippe ou encore Miguel Ángel López me rendais très heureux. J'avais l'impression de voir l'histoire s'écrire sous mes yeux et de courir quasiment comme un spectateur. Après chaque étape je me disais « j'abandonne, c'est trop dur » (rires, ndlr), cependant j'ai finalement réussi à terminer l'épreuve [...] J'ai énormément appris durant cette année-là. Je n'ai malheureusement pas pu continuer chez Aevolo à cause de la pandémie car toutes les épreuves étaient annulées aux Etats-Unis.
Connais-tu ton programme de courses ?
En plus des manches de la Coupe d'Espagne, je vais participer au Tour du Portugal du Futur (Volta a Portugal do Futuro, ndlr) et au Challenge des Ardennes, en Belgique. Ce sont deux courses par étapes. On m'a dit que les épreuves belges sont les plus difficiles, alors j'ai hâte de les découvrir.
Quel est ton rêve ?
Mon rêve est de devenir un coureur World Tour et d'évoluer avec les meilleurs mondiaux.
PROPOS RECUEILLIS PAR AYMERIC PEZE