Lenín Montenegro : "J’ai couru toutes les étapes comme des courses d’un jour"
La révélation du Tour d’Équateur est l'un des plus grands talents du continent. À
21 ans, Lenín Montenegro a frappé fort en remportant une étape et en terminant cinquième du général. Surtout, il a marqué les esprits par son tempérament offensif et aurait pu gagner le général sans un jour sans. S'il n'évolue pas (encore) en Europe, le grimpeur/rouleur de Cayambe est ambitieux pour 2022. À
la découverte d'un champion à polir.
Lenín, comment as-tu commencé le cyclisme ?
J'ai commencé à l'âge de 14 ans pour imiter mon grand frère qui débutait à l'école de cyclisme de Cayambe. Cela m'a plu et petit à petit j'ai commencé à apprécier les entraînements avec mes amis. J'ai fait partie des sélections du Canton de Cayambe, puis de la province de Pichincha. Ensuite, à 17-18 ans, j'ai intégré la sélection nationale pour le championnat panaméricain.
As-tu également pratiqué le cyclisme sur piste et le VTT ?
Chez les minimes (infantil), j'ai débuté en pratiquant uniquement la route. Mais lorsque je suis passé dans la catégorie cadets (prejuvenil), j'ai appris la piste. Je n'aime pas forcément beaucoup cette discipline mais mes capacités étaient favorables pour la piste. Je m'en suis très bien sorti lors de mon premier championnat national en remportant la course aux points ainsi que la poursuite par équipes. En revanche, je pratique seulement le VTT lors de mes pré-saisons pour m'entrainer.
Quelles sont tes forces et tes faiblesses ?
Je me considère comme un cycliste assez complet, à l'aise en contre-la-montre. Dans l'effort chronométré, j'ai été champion national consécutivement, depuis mes années Juniors à 2020. Cette année-là, j'en ai surpris beaucoup en gagnant pour seulement trois secondes, dès ma première saison U23, devant mes coéquipiers Benjamin Quinteros et Santiago Montenegro. En 2021, je n'ai pas pu défendre mon titre car je revenais d'une fracture de la clavicule. Je me débrouille également très bien sur le plat, grâce au cyclisme sur piste, ainsi qu'en moyenne montagne. Je passe sans problème les ascensions de première catégorie lorsque je suis affuté.
En revanche, mes points faibles sont les descentes techniques car j'ai connu plusieurs chutes, mais lors du Tour d’Équateur je me suis aperçu que j'avais progressé.
Avec qui as-tu l’habitude de t'entraîner ?
Cette année, j'ai partagé de nombreux entrainements avec mon petit frère Jhonatan, qui a intégré la catégorie espoirs, et qui vient de disputer, à 19 ans, son premier Tour d’Équateur avec l'équipe Pichincha du vainqueur Steven Haro. Nous avons également eu des entrainements d'équipes avec mes compagnons de Movistar Team Ecuador, dans les provinces d'Imbabura et de Carchi. Parfois, j'ai également l'opportunité de rouler avec mon ami Byron Guamá.
Que gardes-tu de ton titre sur piste et de ta médaille de bronze en contre-la-montre lors des Championnats panaméricains en 2018 ?
C'était ma première expérience internationale avec l'équipe d’Équateur. Tout cela était nouveau pour moi, mais je suis arrivé en Bolivie très bien préparé et avec beaucoup d'envie. Je me souviens d'avoir attaqué d'emblée lors de la course aux points et d'avoir défendu ensuite mon avance. C'était une course extrêmement rapide pour ma première sur un vélodrome en bois et en intérieur, ainsi que face à des coureurs internationaux, dont certains couraient à domicile.
Ensuite, lors du contre-la-montre, on savait que je pouvais obtenir un bon résultat à la vue de mes dispositions dans cet exercice. Je me suis élancé pour obtenir une médaille. Je me souviens d'être parti à fond lors des premiers kilomètres et d'avoir ensuite faibli. À cinq kilomètres du but j'étais virtuellement en première position, mais j'ai terminé avec la médaille de bronze pour avoir mal dosé mon effort.
Pourquoi as-tu rejoint Movistar Team Ecuador en 2019 et qu'est-ce que tu y as appris ?
En 2019, j'ai signé avec Movistar Team Ecuador, qui évoluait alors en Continental. C'était une grande expérience pour moi de courir à ce niveau avec des coureurs aussi expérimentés. Aujourd'hui, je représente toujours cette équipe qui a désormais le statut de club amateur, en Équateur.
Côtoyer Byron (Guamá), Martín (López), Steven (Haro), Santi (Santiago Montenegro) et Benji (Benjamin Quinteros) m'a beaucoup aidé lors de ma première année U23. Ensemble, on a partagé un certain nombre de courses nationales et internationales. Cette année-là, nous avons gagné le Tour de Miranda, une course UCI 2.2, au Venezuela, et disputé le Tour du Venezuela. Ils m'ont permis de grandir comme cycliste et comme personne. J'ai principalement gagné en expérience en courant des courses par étapes de plus de cinq jours. J'ai appris à mieux me placer dans le peloton, doser mon effort et garder des forces pour les finals, mais aussi à garder la tête froide et à ne pas me sentir abattu car on peut rattraper des mauvaises situations les jours qui suivent avec de meilleures jambes.
As-tu déjà participé à des courses européennes ?
Je n'ai encore jamais couru en Europe. Mon début de saison a été compliqué. Je devais disputer le Tour de Colombie mais deux semaines avant, lors d'une course de préparation en Équateur, je me suis fracturé la clavicule. J'ai dû m'arrêter pendant un mois, puis lors des Championnats nationaux, la sélection U23 pour les courses européennes a été faite sans moi, car je n'étais pas à 100%.
Quelles étaient tes ambitions au départ du Tour d’Équateur, où
tu as remporté une étape ainsi que le prix de la combativité, et terminé cinquième du général en portant le maillot jaune, es-tu satisfait par rapport aux objectifs de départ ?
Au départ, mon principal objectif était de me battre pour le maillot de meilleur jeune. Beaucoup me disaient que j'en étais capable. Un autre objectif était de disputer le classement général avec l'un des leaders de l'équipe. Nous ne sommes pas complétement satisfaits du résultat. On sait que l'on aurait pu faire mieux avec les coureurs que l'on avait, avec des circonstances de course plus favorables, surtout au général. Personnellement, si je ne suis pas à 100% satisfait du résultat, je suis en revanche content d'avoir montré le meilleur de moi-même lors de chaque étape.
Que s'est-il passé lors de l'étape reine lors de laquelle tu as perdu le leadership ?
J'ai souffert dès la première ascension où il faisait assez chaud, mais j'ai récupéré, ensuite, kilomètres après kilomètres. Le groupe de tête avait une belle avance sur nous mais on a gardé la tête froide avec mes coéquipiers, comme Segundo Navarrete qui m'a attendu. On voulait ne pas laisser plus de trois minutes d'avance aux hommes de tête. Cependant, j'ai été victime d'une chute dans une descente humide. Avec la pluie, je n'ai pas réussi à tourner suffisamment dans une courbe. Sur le bitume, j'ai tordu mon dérailleur, et à partir de là, j'ai perdu un temps que je n'aurais pas dû perdre.
Comment s'est déroulée l'étape suivante qui se concluait chez toi à Cayambe ?
Ce jour-là, je me suis levé avec l'envie de continuer à me battre. Je savais que j'étais désormais loin au classement général mais je voulais tout de même continuer à y croire. J'ai dit à mon directeur sportif Robinson Chalapud, que s'il fallait partir dès le kilomètre 0, je le ferais. J'en étais toujours capable et je me disais que ce qui s'était passé la veille appartenait déjà au passé. Je faisais partie de l'échappée et dans la deuxième ascension répertoriée, j'ai décidé d'attaquer. J'ai emmené avec moi, Diego Montalvo, mais pendant nos soixante kilomètres en duo il ne m'a pas relayé. Cependant, j'ai assuré le tempo pour remonter au général et essayer de prendre le maillot de meilleur jeune. A l'arrivée à Cayambe, ma famille et mes amis m'attendaient. Il me reste un petit regret de ne pas avoir levé les bras lors de l'étape qui arrivait chez moi, mais je suis heureux de la motivation affichée devant mes proches.
Qu'est-ce que t'a apporté Robinson Chalapud, ton entraîneur et directeur sportif, ainsi que tes expérimentés coéquipiers Segundo Navarrete et Jorge Montenegro ?
Lors du Tour d’Équateur, Robinson Chalapud (coureur du Team Medellín et ancien participant du Giro et de la Vuelta, ndlr) a été un pilier important pour moi et l'équipe. Il nous a transmis de l'expérience. Il nous disait de rester calme et de ne surtout pas renoncer. C’est un coureur très expérimenté et il a su dire à chacun d'entre nous ce que l'on devait faire. Je lui dois une bonne partie de ma réussite.
Segundo Navarrete et Jorge Montenegro sont très expérimentés au niveau national. Ils ont également couru en Espagne et en France avec l'ancienne équipe RPM Ecuador. Ils encadrent les plus jeunes en nous disant d'être patients et disciplinés. En course, ce sont eux qui nous aiguillent au sein du peloton. Je m'entends très bien avec Segundo Navarrete, qui est un grand cycliste et une bonne personne. Je le remercie pour ce Tour d’Équateur. Il jouait, lui aussi, le classement général, mais lors de l'étape reine, il m'a attendu quand j'étais distancé. Je remercie aussi Jorge Montenegro de m'avoir appris à comment se comporter en leader, ce qui était nouveau pour moi sur une course par étapes UCI.
Quelle équipe représenteras-tu en 2022 ?
Je ne sais pas encore pour quelle équipe je courrai l'an prochain. Je suis ouvert à toute proposition. Ce qui est certain c'est que Movistar Team Ecuador ne continue pas, mais rejoint une autre équipe. Donc si je reste ce sera avec Eagle Bikes, qui partageait la même administration avec Movistar, et qui était indépendant avant son association avec celle-ci, il y a deux ans. J'aimerai intégrer une équipe où j'aurai l'occasion de disputer d'autres courses par étapes UCI et de montrer mon potentiel.
Quels objectifs envisages-tu ?
Je serais toujours U23 et je vais tenter de faire partie de la sélection nationale pour les courses européennes. Mon objectif principal est d'être dans ma meilleure forme lors du Tour de l'Avenir, en France.
Quel est ton rêve ?
Mon rêve est d'être un cycliste World Tour et de faire partie des coureurs qui se battent pour de bons résultats en Europe. Je souhaite aussi être une source d'inspiration pour ceux qui débutent le cyclisme et montrer à tout le monde que l'on peut atteindre ses objectifs en étant discipliné et en aimant ce que l'on fait.
PROPOS RECUEILLIS PAR AYMERIC PEZE