Yurgen Ramírez : "À Táchira la passion est incroyable"
Passé par le centre mondial du cyclisme de l'UCI, Yurgen Ramírez, 23 ans, disputera sa troisième saison en Espagne au sein du club amateur Vigo-Rias Baixas. En attendant, le Vénézuélien participe au Tour de Táchira dans les rangs de Venezuela Pais de Futuro. Portrait d'un grimpeur en pleine "Grande de América".

Comment as-tu débuté le cyclisme ?
J'ai débuté le cyclisme dans l’État de Barinas au sein des catégories allant des moins de cinq au moins de dix ans, avec l'école José Balaustre (du nom d'un ancien cycliste vénézuélien ayant pris part aux JO d'Atlanta de 1995, ndlr).
Que peux-tu nous dire de la ferveur autour du vélo à Táchira ?
A Táchira, les fans sont incroyables par rapport au reste du pays. Le cyclisme y est l'un des deux sports favoris avec le football, c'est du 50-50. De plus, la région a toujours possédé des coureurs de premier plan. Le Tour de Táchira se célèbre comme une fête et de nombreux touristes viennent également assister à l'épreuve. La population se rassemble au bord des routes comme si c'était un Tour de France.
Quel est ton profil ?
Je suis principalement un grimpeur, en raison de mes caractéristiques physiques (1m70 pour 57kg) et de mon lieu de vie. Je préfère les longues ascensions aux repechos. Cependant comme il faut être de plus en plus polyvalent pour briller en Europe actuellement, je cherche à être un coureur plus complet.
L'un de mes points faibles est le sprint. Lors des courses espagnoles, il y a souvent de nombreux coureurs véloces qui passent bien la montagne et les arrivées se jouent entre vingt gars, c'est pourquoi je dois travailler cette partie pour avoir plus de chance de m'imposer.

Quel est ton surnom ?
Au Venezuela, on m'appelle « Makancan », car mon père attaquait à longueur de temps en catégorie Master et comme il a des origines colombiennes et qu'en Colombie Makancan est un personnage fort et combattant, on m'a attribué ce surnom. Ensuite, sans doute par affection, j'ai hérité du surnom « El Tigre », en Espagne, au sein de l'équipe Continentale Gios - Kiwi Atlantico et c'est resté.
Que retiens-tu de ton expérience au Centre mondial du cyclisme de l'UCI en 2019 ?
Le Centre mondial du cyclisme de l'UCI a été ma première opportunité de rejoindre l'Europe. Après mon deuxième Tour du Venezuela durant lequel j'ai remporté l'étape reine ainsi que les classements de la montagne et de meilleur jeune en plus de terminer quatrième du général, j'ai reçu une invitation de la part d'Alex Roussel, le directeur du centre. Pendant trois mois, pas plus en raison des lois suisses concernant mon visa, ça a été une incroyable expérience où j'ai progressé tant sur le vélo qu'en dehors.
J'avais seulement dix-neuf ans et j'ai dû m'adapter car je découvrais un environnement totalement différent. Comme personne ne parlait espagnol, j'apprenais l'anglais l'après-midi après les entraînements et un mécanicien mexicain m'aidait à mieux communiquer avec les autres. Mes compagnons de chambre étaient Biniam Girmay et Henok Mulubrhan. J'ai pris la deuxième place d'une course française, la Ronde des Combattants, et cela m'a ensuite ouvert quelques portes.

Comment s'est déroulée ton unique saison en Continentale avec Gios - Kiwi Atlantico ?
2020 est l'année où je pensais vraiment exploser. Cependant, à cause de la Covid-19, j'ai pu disputer seulement quatre courses dont le Challenge de Majorque. Lors de ma reprise, je me suis gravement blessé au fémur, lors du circuit de Geitxo, ce qui m'a tenu éloigné du vélo pendant trois mois. Cette saison restera comme une année à oublier même si j'ai eu l'opportunité de courir aux côtés d'Alejandro Valverde et du champion du monde Mads Pedersen, ce qui m'a été profitable.
As-tu vécu ta victoire au Tour de République dominicaine comme un soulagement l'année suivante ?
J'avais terminé douzième du Tour de Táchira et accompagné Roniel Campos et Oscar Sevilla dans toute l'ascension de la Casa del Padre, malgré un virus. Donc, on a décidé de préparer le Tour de République dominicaine comme si c'était un deuxième Tour de Táchira, surtout que c'était la première course étrangère sur laquelle était invitée mon équipe Venezuela Pais de Futuro. J'ai remporté le classement général devant mon coéquipier Franklin Chacón, ainsi que le classement de meilleur jeune et celui par équipes. C'était plus le type de compétition auquel on est habitué au Venezuela par rapport à en Europe. Il n'y a pas vraiment d'équipes contrôlant le peloton et les attaques fusent du début à la fin, durant 180 kilomètres. Fin février, on cherchera à défendre notre titre en République dominicaine.

La saison 2021 restera-t-elle comme ta meilleure en Espagne avec la Manuela Fundación ?
2021 était ma troisième année en Espagne. J'ai vécu huit mois à Grenade avec la Manuela Fundación. Si c'était chez les amateurs, une catégorie inférieure, le niveau est malgré tout très élevé, tous les participants ayant l'objectif de passer professionnel. Ils n'ont d'amateurs que le nom car ils s'entraînent comme des professionnels. Le début de saison a été un peu difficile en raison des conditions climatiques froides, puis j'ai obtenu mon premier succès en Europe lors du Tour d'Alicante.
Quels sont les objectifs cette année lors du Tour de Táchira ?
Notre objectif est de remporter le classement général. Normalement, je devais disputer le Tour de San Juan avec la sélection vénézuélienne, en Argentine, fin-janvier, et ne pas participer au Tour de Táchira, car mon vol était prévu au milieu de l'épreuve. Donc, les plans d'entraînement ont été chamboulés et on a pris du retard dans la préparation. Néanmoins, j'arrive en très bonne condition.

Le Tour de San Juan aurait-t-il été ta première course avec la sélection vénézuélienne ?
Cela aurait été la première fois où j'aurais représenté le Venezuela en compétition. L'année dernière, j'avais voyagé avec la sélection au Tour d’Équateur, mais à cause des manifestations à Quito et dans le pays les organisateurs ont repoussé l'épreuve.
Quels sont les rôles de Miguel Ubeto et de Yonathan Monsalve au sein de Venezuela Pais de Futuro ?
Miguel Ubeto (ancien coureur de Lampre - Merida et Androni Giocattoli, ndlr) devait venir avec nous en tant que coureur à Táchira mais il a contracté un rhume. C'est la tête principale de la fondation Venezuela Pais de Futuro. Il est comme un père pour nous. Il est également directeur sportif dans l'équipe. Cette année, il nous a transmis énormément d'expérience et de conseils. Il s'occupe de tout, de la logistique aux entraînements.
Yonathan Monsalve (ancien coureur de Neri Sottoli et Androni Giocattoli, ndlr) est comme un frère. Il m'a ouvert les portes de la fondation quand j'étais seul. Comme il vit à quinze kilomètres de chez moi, nous nous entraînons également ensemble. C'est mon entraîneur au sein du programme MU Training de Miguel Ubeto.
Quelle équipe représenteras-tu après le Tour de Táchira ?
Cette année, je vais courir une nouvelle fois en Espagne avec Vigo-Rias Baixas, une équipe galicienne de premier plan au niveau amateur. Je serai en terrain connu car j'ai déjà vécu en Galice quand je portais les couleurs de Gios - Kiwi Atlantico. Je suis impatient de prendre part à toutes les manches de la Coupe d'Espagne dès le début du mois de mars.

Quel est ton rêve ?
Mon rêve est de continuer à courir dans le cyclisme européen et de passer au niveau World Tour. J'ai toujours aimé les trois Grands Tours, donc si je pouvais déjà participer à l'un d'entre eux je serais déjà comblé. Nous allons également nous préparer pour les Jeux Bolivariens de Valledupar en 2022.
Que penses tu du cyclisme vénézuélien, jusqu' où peut aller la génération actuelle ?
Au Venezuela, il y a du talent comme en Colombie, en raison des conditions géographiques. On a tout type de terrains et de températures : plat, ascensions, descentes, chaleur et froid. Notre pays connaît toutefois une situation économique difficile et cela complique notre progression. J'ai moi-même été impacté par ce problème. Par exemple, un jeune de 14 ans qui débute le cyclisme a un vélo qu'on lui prête, souvent celui d'un ami, alors qu'en Europe un cadet a un meilleur vélo qu'un professionnel vénézuélien. Les conditions sont radicalement différentes. Par ailleurs, au Venezuela, soit on fait des études soit on travail, mais on ne peut pas faire les deux choses en même temps.
Cependant, le cyclisme vénézuélien prend actuellement un nouveau virage. La fondation Venezuela Pais de Futuro forme les jeunes qui sortent de la catégorie Juniors et qui n'ont pas d'équipes chez les Espoirs et Élites. Elle leur permet d'être présent sur le Tour de Táchira et le Tour du Venezuela afin qu'ils se mettent en avant et trouvent une équipe à l'étranger.
PROPOS RECUEILLIS PAR AYMERIC PEZE